Métaux critiques: comment l'Europe cherche à se libérer de l'hégémonie chinoise
Le graphite fait partie des minerais classés comme critiques par l'Union européenne. Cruciale pour la production de batteries électriques notamment, la Chine en domine la chaîne de valeur.Le graphite fait partie des minerais classés comme critiques par l'Union Européenne. Cruciale pour la production de batteries électrique notamment, la Chine en domine la chaîne de valeur.
Décriptage: Alors que Pékin fait pression pour maintenir sa mainmise sur le secteur, les projets dans l'Union se multiplient.
La Chine est très largement l'acteur dominant dans le domaine des terres rares et compte bien le rester. Par tous les moyens. Les autorités chinoises auraient ainsi prévenu les industriels étrangers qu'ils ne devaient pas constituer de stocks, sous peine de se faire couper leurs approvisionnements de ces précieuses matières premières, selon le Financial Times. Les commandes destinées à l'export seraient passées en revue par les autorités pour détecter si elles ne sont pas supérieures à la moyenne de chaque client, permettant de supposer qu'il se constitue des stocks. Il pourrait alors y avoir des retards ou une annulation de la commande.
Ce qui serait catastrophique pour certains secteurs, comme celui de l'automobile, des énergies renouvelables ou de la défense. Les terres rares sont un ensemble de 17 métaux (lanthane, néodyme, terbium…) qui sont notamment utilisés pour fabriquer les aimants permanents, qui équipent les éoliennes, les moteurs des voitures électriques ou les missiles dans la défense. Et la position de la Chine est totalement incontournable puisqu'elle extrait environ 60 % des terres rares dans le monde et, encore pire, en raffine 90 % de la consommation mondiale !
Moyen de pression
Lorsque Donald Trump a menacé la Chine de droits de douane prohibitifs en avril dernier, ce sont - en grande partie - les restrictions mises par les autorités chinoises à l'exportation de ces terres rares qui ont contraint l'Administration américaine à déclarer une trêve de 90 jours, renouvelée depuis, pour mieux négocier une solution acceptable pour les deux parties.
Et ces contraintes à l'export ont immédiatement eu un impact sur les industriels occidentaux, notamment dans l'automobile. en raison d'une pénurie de composants » de terres rares, selon le quotidien Nikkei. Aux États-Unis, Ford a arrêté la production de son modèle Explorer pendant une semaine, a indiqué Bloomberg. Et il y a sans doute eu d'autres conséquences, mais les entreprises concernées ont préféré ne pas communiquer sur un tel sujet hautement stratégique.
Sauf que le stockage était précisément l'une des solutions préconisées par l'Europe pour mieux gérer cette influence prépondérante de la Chine sur ce secteur lors de l'envolée des tensions à propos des droits de douane américains. C'est donc une mesure d'urgence qu'il ne va pas, ou plus, falloir utiliser. Et il n'y a, malheureusement, pas beaucoup de solutions à court terme. En revanche, l'Union européenne travaille depuis plusieurs années sur des mesures plus structurelles afin de renforcer la souveraineté dans le domaine des terres rares.
47 projets stratégiques soutenus par l'Europe
En mars dernier, la Commission a ainsi dévoilé une liste de 47 projets jugés stratégiques afin de mieux exploiter l'ensemble des métaux critiques. Ces projets vont recevoir des aides d'un montant de 22,5 milliards d'euros et bénéficieront de procédures administratives accélérées afin d'être rapidement en opération. La plupart porte sur les métaux critiques tels que le lithium, le manganèse ou le nickel mais les terres rares sont également dans le viseur de la Commission avec cinq projets.
Un seul concerne directement une mine d'extraction, à Kiruna, en Suède. Les autres portent sur des unités de raffinage - c'est important vu l'ultra-domination de la Chine sur ce maillon de la chaîne de valeur - et du recyclage. L'Europe est une grande consommatrice de produits utilisant des terres rares, ce qui signifie que déployer une filière de recyclage permettrait, en théorie, de se passer de mines, dont l'acceptabilité sociale constitue un frein.
En France, les projets sélectionnés par l'Europe relèvent d'ailleurs de ces deux maillons de la chaîne simultanément. À Grenoble, la start-up MagREEsource, issue du CNRS, a développé une technologie pour recycler des aimants permanents et compte créer une usine d'une capacité de 1000 tonnes par an d'ici 2028. Les ambitions sont plus grandes encore pour la société Caremag. À Lacq, dans les Pyrénées-Atlantiques, elle est en train de construire une double usine qui, chaque année, va recycler 2 000 tonnes d'aimants et raffinera 5000 tonnes de terres rares. Le démarrage du site est programmé pour 2026.
La nécessité de contrat long de la part des industriels
Pour que cette filière européenne se développe réellement, il faut que ses acteurs puissent investir. Or cela n'est possible que si les clients sont prêts à leur offrir des débouchés solides avec des contrats de long terme. Et c'est sans doute là que le bât blesse. En effet, les grands consommateurs de terres rares se trouvent dans l'automobile et les éoliennes, deux secteurs aujourd'hui très fragiles sur le plan économique. Il est à craindre que ces sociétés préfèrent miser sur le court terme et les terres rares chinoises bon marché, plutôt que sur l'investissement à long terme pour protéger la souveraineté européenne en la matière.
Le complexe recyclage des voitures électriques
Si le marché de la pièce détachée de réemploi pour automobiles est actuellement en plein essor, la présence de plus en plus en nombreuse de véhicules électriques pose, elle, quelques difficultés. « L'État a forte ment encouragé l'achat de véhicules électriques mais n'a pas vrai ment pensé à la filière de recyclage derrière », commente Cyrille Bous seau, dirigeant de Maine Recuper à Chemillé-en-Anjou. Car pour traiter un véhicule électrique arrivé en fin de course, les centres VHU (véhicule hors d'usage, nouveau nom des casses automobiles) doivent être équipés spécialement pour ce type de voiture.
« II y a des risques »
« Même si les véhicules électriques sont loin d'être la généralité en ter mes de réemploi, car les véhicules sont beaucoup trop récents, on y vient petit à petit. Mais pour traiter ce genre de transport, nous devons avoir une habilitation et un emplace ment spécifique. » Ainsi, en 2024, la Direction générale de prévention des risques et le ministère de l'Environne ment ont donné leurs directives. « Nous devons avoir des zones de stockage différentes, le sol devra être recouvert spécialement car il y a des risques avec l'électricité mais aussi que les voitures prennent feu." Des murs coupe-feu, des caméras thermiques ou encore des bassins d'eau qui pourront servir éventuelle ment à immerger le véhicule en cas de besoin, font partie de la liste des équipements obiigatoires.
Des spécificités et des contraintes qui commencent à chiffrer. « Beau coup de centres ne pourront pas suivrefinancièrement, poursuit Cyril le Bousseau. Pourtant, l'État conti nue d'encourager de plus en plus la vente de ces véhicules électriques mais aussi le réemploi de pièce d'occasion. »
Le marché automobile français traverse une zone de turbulences inédite : en sept mois, moins d'un million de véhicules particuliers ont été immatriculés. Plus préoccupant encore, les ventes sur ce segment s'effondrent à un niveau historiquement bas, ne représentant plus que 43 % du marché.
Rares sont les marques qui enregistrent une hausse de leurs ventes aux clients finaux depuis janvier 2025.
Les chiffres du marché automobile français tournent à la catastrophe. Au global, il s'est immatriculé 958 581 véhicules particuliers depuis janvier 2025. C'est presque 8 % de moins que l'année dernière. En volume, les chiffres semblent moins flatteurs encore. II manque tout bonnement 82 343 voitures au décompte des immatriculations sur sept mois !
Le marché automobile en iuiiiiet 2025 : le imillion de véhicules en sept mois n'a pas été franchi même en ajoutant les 50 000 dossiers du leasina social qui doit démarrer le 30 septembre 2025, le compte n'y est pas. Mais ce sont surtout 380 089 unités qui manquent à l'appel par rapport à 2019, année avant-Covid qui sert toujours de référence.
Les particuliers tournent le dos aux voitures neuves
Plus inquiétant encore est le niveau de vente aux particuliers. Depuis le début de l'année, leur part sombre à 43,2 % du marché total, soit 414 492 voitures, en baisse de 11,6 % par rapport à la même période en 2024. Une fois encore, le volume n'a jamais été aussi faible depuis ces dix dernières années !
Rares sont les marques d'ailleurs qui enregistrent une hausse de leurs ventes aux clients finaux. Citroën, Skoda, Nissan, MG, Mini, Cupra, BYD, Mazda, Alfa Romeo, Alpine, Lexus et Leapmotor, sont les seules à voir leur volume progresser.
Part des ventes de voitures neuves aux particuliers - 7 mois 2025
Elles ne sont pas beaucoup plus nombreuses à afficher une part de leurs ventes adressées aux particuliers supérieure à la moyenne de 43,2 %. On y retrouve comme d'habitude Dacia avec 72,9 % de ses immatriculations, mais aussi Leapmotor (69,1%), MG (69,1%). Suivies des marques qui restent vertueuses en termes de ventes profitables comme Suzuki, Mini, Kia, Toyota et Hyundai. XPeng intègre également ce classement des marques qui vendent le plus aux particuliers. Les presque 1 800 exemplaires immatriculés (entre la G6 et la G9 dans une moindre mesure) ont été écoulés pour 60 % auprès des clients finaux.
Parmi les marques chinoises, BYD fait pourtant partie des mauvais élèves, avec seulement 37,2 % de ses ventes sur ce canal.
Peugeot ne vend qu'un tiers de ses immatriculations aux particuliers
II reste les marques généralistes françaises ou importées. Renault, Ford, Volkswagen, Opel, Nissan, affichent toutes une moyenne de vente nférieure à celle du marché de 43,2 %. Peugeot figure même dans le bas du classement, avec seulement 29 % de ses immatriculations.
Bien sûr, la conjoncture économique actuelle en France n'incite pas forcément les consommateurs à passer à l'acte d'achat, surtout pour un bien de consommation dont le montant reste très engageant en se situant entre l'achat d'un smartphone et d'un bien immobilier !
Reste à savoir comment ces derniers réagiront à la mise en place du leasing social et sans doute des offres qui viendront compléter le dispositif d'achat de voiture électrique. Entre la mise en place de ce dispositif, annoncé en juin 2025, le changement du bonus automobile qui passe désormais par le biais des CEE, le client français a décidé d'attendre. Marché