La Chine envisage de contrôler l’exportation des matériaux de fabrication.
L’industrie automobile européenne renâcle cependant à payer plus cher pour relocaliser en Europe ses fournisseurs.
Il n’y a pas que les terres rares qui font l’objet d’un chantage chinois à l’approvisionnement. Dans la longue liste des exportations menacées de contrôles depuis la rentrée, Pékin a aligné de très nombreux produits servant à la fabrication des batteries pour voitures électriques. La Chine tient là une arme redoutable : elle domine tout ce secteur, de l’extraction du lithium à la conception des machines équipant les gigafactories de batteries.
Début octobre, au plus fort des dernières tensions entre Xi Jinping et Donald Trump, Pékin a annoncé soumettre aux contrôles à l’exportation, à partir du 8 novembre, une liste longue comme une limousine de produits indispensables à la fabrication de batteries. Finalement, ces mesures ont été suspendues juste avant d’entrer en vigueur, en même temps que pour les terres rares.
La toute jeune filière européenne des batteries a pu reprendre son souffle. Elle ne se sent pas pour autant hors de danger. Les contrôles à l’exportation entreront quand même en vigueur dans un an, sauf revirement de Pékin. Dans un sens ou un autre : la Chine regarde notamment de très près ce que prépare l’Europe pour favoriser son contenu local. « Nous sommes à la merci de cette menace potentielle, qui certes a été repoussée mais peut revenir très vite en fonction des tensions commerciales », redoute un industriel du secteur.
Obtenir des licences pour importer
Quand elles entreront en vigueur, « ces restrictions perturberont les chaînes d’approvisionnement des batteries », prévient S&P Global. Les importateurs occidentaux devront obtenir des licences pour importer les produits désirés. Dans un domaine connexe, un acteur de la chaîne de valeur de la voiture électrique témoigne des problèmes générés par les contrôles à l’export mis en place plus tôt dans l’année sur les aimants permanents. Pour chaque commande, nous avions trois semaines de délai pour obtenir les autorisations des douanes chinoises.
Or, nous faisions des commandes mensuelles !
Pour certains des items sur la liste des futurs contrôles aux exportations, la Chine est tout simplement incontournable. C’est le cas pour le graphite synthétique, matériau fabriqué à partir de la cuisson de coke de pétrole à haute température, quasiment introuvable hors de l’empire du Milieu. De façon générale, « les modèles d’affaires de nombreux matériaux pour batterie ne tiennent pas hors de Chine, car les écarts de coûts sont trop importants », explique Wolfgang Bernhart, associé senior chez Roland Berger.
Hameçonnés et pris au piège
Ces dernières années, les constructeurs ont donc logiquement plébiscité les produits importés de Chine. Les voilà maintenant hameçonnés et pris au piège. « Nous avons déjà connu des contrôles aux exportations, en 2023 pour le graphite naturel et artificiel, mais l’industrie n’en a pas tiré de leçons », continue le consultant.
Les velléités d’échapper à l’emprise chinoise étaient plus fortes il y a deux à trois ans, lorsque le prix des matières pour fabriquer les batteries avait flambé. Mais les cours retombant, la motivation des donneurs d’ordres s’est émoussée. « Les prix politiques semblent moins pris au sérieux que le risque prix ».
« Ce type de décisions chinoises, c’est un plaidoyer absolu pour accélérer l’intégration locale de la chaîne de valeur des batteries », avance Matthieu Hubert, secrétaire général d’ACC, fabricant de batteries détenu par Stellantis, Mercedes et TotalEnergies. Il faut sortir de ce piège et travailler sur le concept de contenu local dans l’automobile européenne.
La menace de contrôles à l’exportation devrait accélérer le développement de capacités de production hors de Chine, reconnaissent dans une note les experts du cabinet d’avocats Herbert Smith Freehills Kramer. Toutefois, « si ces investissements nécessitent des transferts de technologies listées par Pékin, cela nécessitera également des licences à l’exportation ».
Pendant ce temps-là, des fabricants chinois de batteries proposent un pacte faustien aux autorités européennes, rapporte une source : « Faites-nous la vie facile, ouvrez-nous les portes de l’Europe, et nous vous proposerons des prix incroyables vous permettant d’abaisser le prix des voitures électriques et d’atteindre vos cibles de décarbonation du secteur. »


