La très confuse liste des voitures électriques éligibles à la surprime
Le gouvernement l'avait annoncé le 8 septembre : dès le 1er octobre, une surprime de 1000 euros s'ajoutera au bonus écologique pour les voitures électriques assemblées et équipées d'une batterie produite en Europe. Objectif : soutenir l'industrie européenne face à la concurrence asiatique. Cette aide, cumulable avec le bonus écologique, pourra porter le soutien public à l'achat d'un véhicule électrique jusqu'à 5200 euros. La liste des véhicules éligibles vient d'être dévoilée sur le site de l'Ademe, l'agence publique de la transition écologique, avec, au total, 222 références. Mais elle prête à confusion. Le premier modèle mentionné est la Smart ForTwo, dont la production s'est arrêtée en mars 2024. Impossible pour un particulier de profiter de l'aide avec ce modèle, puisqu'il n'est plus achetable neuf. La liste intègre également des modèles qui dépassent le plafond de prix fixé à 47 000 euros pour les particuliers. C'est le cas de la DS N°8, affichée à plus de 57 000 euros. Sauf remise exceptionnelle, impossible donc de bénéficier de la surprime, malgré la présence de batteries ACC produites en France. Même problème pour les nouveaux Peugeot e-3008 et e-5008, ainsi que d'autres modèles du groupe. Danslesfaits, les modèles réellement concernés par la surprime de 1000 euros sont beaucoup moins nombreux. On retrouve notamment : la Volkswagen ID.4, la Renault Scenice-tech la Fiat Abarth 500e, la Citroën ë-C5 Aircross, l'Opel Grandland, et la DS N°8 (sous condition de prix).
La filière tricolore de l'hydrogène vert à la peine - ADRIEN PÉCOUT
00:05:26
Le secteur est loin des objectifs fixés pour 2030 en France. Mais il prend son essor dans le reste du monde. En France comme à l'étranger, le même constat s'impose : il y a encore bien peu d'électrolyseurs déjà opérationnels pour produire de l'hydrogène bas carbone, c'est à-dire à partir d'électricité renouvelable (solaire et éolien) ou nucléaire. Par contraste avec l'« enthousiasme généralisé », en 2022, de la première édition, la quatrième Conférence nationale sur l'hydrogène renouvelable s'est déroulée, mercredi 17 septembre, «dans un contexte un peu plus morose ». Voilà pour le préambule fait par l'organisateur de l'événement, Jean-Paul Torris, président de l'Institut Orygeen.
Organisé à Paris dans une salle du ministère de l'économie, le rendez-vous a réuni bon nombre d'acteurs français de la filière. Mais, contrairement au programme initial, pas le ministre démissionnaire Marc Ferracci (chargé de l'industrie et de l'énergie), sur le départ après la chute du gouvernement Bayrou.
Dans cette conjoncture plus difficile que prévu, les acteurs fran çais du secteur veulent pourtant garder espoir. Ou du moins, éviter tout catastrophisme. «Calmons-nous», déclare ainsi Patrick Maio, fondateur de Hinicio dès 2006, un cabinet de conseil travaillant sur l'hydrogène. «Si certains projets viennent à disparaître, c'est plutôt une bonne chose », déclare-t-il même, au risque de la provocation. C'est « un moment Darwin», selon son expression, car seuls les meilleurs projets survivront.
« Phase de consolidation »
La jeune filière «entre dans une phase de maturation, une phase de consolidation», veut croire Philippe Boucly, président de l'organisation professionnelle France Hydrogène, assis à ses côtés lors d'une des premières tables rondes de la journée.
Pour l'hydrogène bas carbone, les débouchés possibles se trouvent principalement dans le sec teur de l'industrie (raffinage, chimie) ou de la mobilité lourde (carburants routiers, aériens ou maritimes). «Evidemment, l'hy drogène ne fera pas toute la décarbonation [de l'économie française], mais la décarbonation ne sefera pas sans lui », assure Thomas Courbe, numéro un de la direction générale des entreprises, administration rattachée au mi nistère de l'économie.
Au décompte de 2024, à peine 35 mégawatts (MW) d'électroly seurs avaient déjà été installés dans le pays. En 2020, il était pourtant question d'aller jusqu'à 6500 MW d'ici à 2030. Le gouver nement a finalement révisé à la baisse la stratégie nationale, en avril, pour fixer désormais l'objectif à4500 MW. Le défidemeure immense, puisqu'il suppose en core plus de 120 fois la puissance aujourd'hui déjà existante.
Selon les chiffres communiqués au Monde, France Hydro gène s'attend à ce que la capacité d'électrolyse en service dans le pays atteigne les 340 MW en 2026. Sauf imprévu, le projet Normand'Hy apportera 200 MW à lui seul, grâce à ses 12 modules, dans la zone industrielle de PortJérôme-sur-Seine (Seine-Maritime). Un projet porté par Air Liquide, en partenariat avec l'allemand Siemens Energy.
Des chantiers plus imposants encore se situent en Arabie saoudite et en Inde. Sans parler de la Chine, qui a déjà pris de l'avance sur le marché mondial. Sur les 3 000 mégawatts d'électrolyseurs déjà installés dans le monde, environ les deux tiers le sont sur le sol chinois, selon le décompte arrêté au mois de juillet
Pour l'heure, la France est loin d'être le seul pays en retard sur ses objectifs. L'hydrogène bas car bone - soit par électrolyse, soit par captage et stockage du car bone - ne représente encore qu'une infime portion de tout l'hydrogène consommé dans le monde : moins de 1 % en 2024, sur près de 100 millions de tonnes. Résultat : la quasi-intégralité de l'hydrogène consommé dans le monde est encore d'origine fossile (pétrole, gaz, charbon). C'est-à-dire issu d'énergies nocives pour le climat.
Dans son cinquième rapport annuel sur l'hydrogène, paru le 12 septembre, l'Agence internationale de l'énergie (AIE) a révisé à la baisse ses projections pour la pre mière fois. Sur la base des annonces faites çà et là, elle estime dé sormais que la production d'hydrogène bas carbone sera en mesure d'atteindre 37 millions de tonnes par an d'ici à 2030. Un chiffre en baisse sensible : l'estimation livrée en 2024 était plutôt de 49 millions de tonnes.
Au vu d'une trentaine de projets étudiés par l'AIE, c'est d'abord le risque administratif (délai dans les permis, flou dans les normes) qui explique les annulations, avant même les difficultés économiques, industrielles ou le manque de clients.
Croissance des investissements
Pour préserver un certain opti misme, les industriels français peuvent citer aussi d'autres chif fres, tirés d'un autre document. Ceux de l'Hydrogen Council, un lobby dont le rapport annuel est en ligne depuis septembre égale ment. Selon ce document, publié avec le cabinet de conseil McKin sey, les investissements dans l'hy drogène bas carbone continuent de croître. Et ce, qu'il s'agisse de projets ayant déjà fait l'objet d'une décision finale d'investis sement, de constructions en cours ou bien d'installations déjà mises en service.
En 2020, d'après l'Hydrogen Council, les investissements enga gés d'ici à 2030 étaient de l'ordre de 10 milliards de dollars (8,5 mil liards d'euros). Puis, en 2023, ils ont grimpé à 45 milliards de dol lars pour ce même horizon de temps. Avant d'atteindre, en 2025, la barre des 110 milliards de dol lars à travers plus de 500 projets dont 33 milliards de dollars en Chine, 23 milliards en Amérique du Nord, 19 milliards en Europe ou encore 14 milliards en Inde. Le décompte ne précise pas quelle est la part de fonds publics et privés. Sur les 9 milliards d'euros promis, l'Etat français, par exem ple, a déjà engagé juridiquement au moins 3,6 milliards d'euros, se lon le calcul fait, en juin, par la Cour des comptes.
«II existe une asymétrie» entre le pessimisme du discours média tique et «la réalité du marché de Vhydrogène», selon Mikaa Blu geon-Mered, spécialiste de ce su jet, chercheur rattaché à l'univer sité du Québec à Trois-Rivières.
Toujours d'ici à 2030, en Chine, le coût de l'hydrogène renouve lable pourrait baisser à tel point qu'il rivaliserait avec celui de l'hydrogène fossile, selon l'AIE. Cela tient notamment à «lafai blesse des coûts technologiques » dans le pays et à un certain effet de série, la première puissance asiatique disposant de la ma jeure partie (près de 60 %) des ca pacités mondiales de fabrication d'électrolyseurs. ■
«L'hydrogène ne fera pas toute la décarbonation [de l'économie française], mais la décarbonation ne se fera pas sans lui»
Batteries : « Le défi, c'est d'aller vers des matériaux moins dépendants des métaux critiques »
Alors que l'Europe s'attelle à créer une filière souveraine des batteries, Laurence Croguennec, la directrice adjointe de l'Institut de chimie de la matière condensée de Bordeaux (ICMCB) et médaille d'argent 2025 du CNRS, synthétise les enjeux de R&D qui permettront aux industriels européens de rester dans la course.
Spécialiste de cristallochimie, Laurence Croguennec étudie les relations entre composition, structure et propriétés des matériaux afin d'optimiseries propriétés les plus cruciales d'une batterie : autonomie, sécurité, durée de vie et recyclabilité. Directrice de recherche CNRS et directrice adjointe de l'ICMCB, elle est chercheuse dans l'une des plus grosses équipes de re cherche en France sur les matériaux de bat teries, composée de près de 50 personnes. Laurence Croguennec recevra en dé cembre prochain la médaille d'argent 2025 du CNRS pour l'ensemble de ses travaux portant à la fois sur l'optimisation des ma tériaux des batteries lithium-ion mais aus si sur le développement de nouvelles géné rations de matériaux pour des technologies alternatives moins gourmandes en maté riaux critiques ou plus sûres.
LATRIBUNE - Quelles sont aujourd'hui les alternatives crédibles aux batteries lithium-ion ?
LAURENCE CROGUENNEC - Nous travail lons notamment sur la technologie sodium ion qui s'appuie sur un élément pas cher, abondant et bien réparti sur la planète puisqu'on le trouve dans le sel ! A l'inverse, les ressources en lithium sont principale ment localisées en Amérique du Sud, Chine et Australie. Le développement de batteries sodium-ion permet donc de diminuer la pression sur la ressource en lithium. Et bien que la technologie sodium-ion offre intrin sèquement une autonomie inférieure d'en viron un quart à celle du lithium-ion, elle peut répondre néanmoins à un grand nombre d'usages, notamment la charge ra pide. Je suis, par exemple, co-inventrice d'un brevet utilisé par l'entreprise Tiamat (Hauts-de-France) pour le développement de batteries sodium-ion à charge rapide et visant les marchés de la mobilité, du stoc kage des énergies renouvelables et des ali mentations sécurisées de centres de don nées et de réseaux intelligents.
On en est encore aux premières généra tions de batteries sodium-ion mais les pers pectives d'un développement rapide sont importantes car les procédés industriels restent très proches de ceux du Li-ion. Tia mat lance ainsi la construction d'une pre mière gigafactory dans les Hauts-de -France tandis que l'industriel chinois CATL aintro duit des premières batteries sodium-ion dans de petites voitures électriques.
On entend aussi parler de batteries « tout solide ». Quelles en sont les perspectives?
C'est une technologie qui existe depuis long temps, d'une part, sous la forme de mi cro-batteries constituées d'un empilement de films très minces et destinées à être in tégrées dans des dispositifs électroniques, comme des dispositifs médicaux implan tables. Ou, d'autre part, sous la forme de bat teries lithium polymère nécessitant d'être maintenues en fonctionnement à environ 45°C. L'enjeu principal aujourd'hui est d'ar river à créer des batteries au lithium tout-so lide massives et fonctionnant à tempéra ture ambiante pour alimenter des voitures électriques, par exemple.
En termes de marché, le premier avan tage des batteries tout-solide, c'est la sécu rité, qui est escomptée bien meilleure que celle des batteries lithium-ion du fait de l'électrolyte solide. Le deuxième c'est la perspective, à terme, de remplacer le gra phite par du lithium métal ce qui permet trait d'augmenter d'environ 50 % la densité d'énergie délivrée par la batterie et par conséquent l'autonomie du véhicule ! On voit bien l'intérêt que cela pourrait repré senter pour les industriels mais le champ des recherches à mener pour parvenir à sa maturité reste encore vaste. A moyen terme, la technologie sodium-ion est donc plus proche du marché commercial que les nouvelles technologies tout-solide.
Revenons au lithium-ion qui reste, de loin, la technologie la plus répandue sur le marché des batteries et qui se faufile partout dans nos objets du quotidien. Quelles sont les pistes d'optimisation ?
Notre objectif est de développer de nou velles batteries lithium-ion pour combiner très grande autonomie, charge rapide et longue durée de vie. Cette dernière est es sentielle car elle participe à diminuer l'em preinte environnementale et le coût d'une batterie, constituée en partie de métaux cri tiques (lithium, nickel, cobalt, etc.) et donc chers. D'autant qu'on n'en trouve pas en Eu rope, ce qui pose des questions de souverai neté et de conditions de travail lors de l'extraction dans des pays tiers.
Le défi principal c'est donc d'aller vers de nouveaux matériaux moins dépen dants des métaux critiques, en rempla çant par exemple le cobalt et le nickel par du fer. II faut aussi imaginer des procédés de synthèse et de fabrication plus économes en ressources (eau, énergie, etc.).
La dépendance aux métaux critiques se joue aussi un niveau du recyclage des batteries. Quels sont vos champs de recherche en la matière ?
Oui, c'est un besoin criant alors même que la France et l'Europe essaient de déve lopper une filière souveraine autour des batteries sans disposer des ressources in dispensables à leur fabrication. Les giga factories européennes produisentmécani quement des chutes de production qui sont autant de mines urbaines de déchets très précieux, qu'il est indispensable de recy cler. II y a donc un besoin de développer des boucles de recyclage courtes, rapides et ef ficaces de ces matériaux mis en forme mais pas utilisés, sans devoir les refabriquer de zéro. C'est ce que nous faisons au sein du la boratoire en associant des experts dans les domaines de la chimie, des procédés et des matériaux pour batteries.
Sur le plan du recyclage, plusieurs industriels, tels que les binômes Eramet-Suez et Stellantis-Orano, travaillent à la valorisation de la « black mass », un mélange des éléments constituants des batteries usagées. Comment appréhendez-vous cette problématique ?
C'est un processus complexe et coûteux qui nécessite beaucoup d'étapes pour séparer et récupérer les différents éléments. II y a donc un besoin pour améliorer les mé thodes de séparation, dans notre labora toire nous développons des alternatives, le recyclage direct, pour éviter de produire de la black mass. Nous utilisons les fluides su percritiques qui ont dans certaines condi tions de pression et de température à la fois les propriétés d'un liquide et d'un gaz et peuvent donc s'infiltrer dans toutes les po rosités et faciliter ainsi la délamination et la séparation des matériaux.
Enfin, dès la phase de conception des batteries, et dans notre cas des matériaux constitutifs des batteries, il est indispen sable de prévoir la fin de vie. C'est un champ de recherche qui est tout juste en train de s'ouvrir dans notre laboratoire. Imaginer le matériau pour le recycler plus aisément, en utilisant des matières premières issues du recyclage, c'est la clé si on veut réduire la dépendance de la France et de l'Europe aux ressources critiques.
La France a-t-elle une carte à jouer dans ce marché des batteries très concurrentiel et alors que la Chine possède des usines de batteries en attente, prêtes à démarrer pour inonder le marché européen ?
Oui, j'espère que la France et l'Europe tien dront leur rang d'autant que les centres de recherche français ont été précurseurs, avec les Américains et les Japonais, et qu'ils restent très innovants dans ce domaine de recherche concurrentiel.
Mais les vraies difficultés auxquelles font face aujourd'hui les industriels fran çais sont en effet le passage à la production de masse et l'accès à des marchés où ils sont en concurrence avec les industriels chinois.
L'urgence à sortir de la naïveté : se hâter d'imposer la préférence européenne - Bernard Jullien
La Commission européenne a fêté la semaine dernière les 1 an de la publication du rapport Draghi avec un discours d'Ursula von der Leyen.
Il faut bien évidemment saluer les inflexions des politiques et doctrines européennes qui "vont dans le bon sens" et, regardant le verre à moitié plein, mesurer le chemin parcouru dans la direction souhaitable. Mais il faut aussi souligner avec les industriels et leurs salariés l'urgence associée aux commandes qui baissent ou ne sont pas engrangées. Dans cette perspective, la préférence européenne dont le principe semble acquis pour une large part des parties prenantes doit se traduire par des mesures dès la fin de cette année.
Commentant la stratégie de Ursula von der Leyen pour sauver cette pièce maîtresse de son pacte vert qu'est le ‘ban‘ pour 2035 un haut fonctionnaire européen expliquait au monde "Elle cherche à faire un “deal” global, où les éventuelles flexibilités qui seraient accordées aux constructeurs s'accompagnent, de leur part, d'engagements, par exemple en matière de contenus locaux." Il pourrait s'agir là d'une grande victoire pour les équipementiers qui, depuis une grosse année, se sont employés à tirer la sonnette d'alarme et à réclamer des mesures de sauvegarde. La bataille a été conduite par Valeo et son patron C. Périllat qui avait pointé les deux poids deux mesures pratiqué par Bruxelles protégeant les constructeurs des importations de véhicules chinois mais laissant les équipementiers démunis.
En France, au sein de la PFA, les constructeurs ont rechigné un temps à se laisser priver d'une part de leur liberté de sourcing mais ils se sont finalement laissés convaincre et le ministre Ferracci a su pour s'engager assez fermement aux cotés des acteurs de l'amont de la fillière.
Comme pour incarner le problème posé, le gouvernement, pour stimuler l'achat de véhicules électriques "made in Europe" et indiquer que l'attribution du label devait être conditionnée par l'importance des contenus locaux, a introduit un bonus supplémentaire de 1.000 euros pour l'achat des VEB dont la batterie est faite de cellules produites par des gigafactories situées dans l'UE. Le Ministère indique sur son site : "Cette mesure vise à favoriser la relocalisation de la chaîne de valeur des véhicules électriques et à soutenir l'emploi industriel en Europe."
Il explique qu'il s'agit de soutenir la montée en cadence des usines de batterie européennes, en incitant les constructeurs à s'approvisionner auprès d'elles. Comme pour surligner clairement quel jeu va être celui de la France dans le dialogue stratégique de la filière, "cette mesure décline les ambitions de la Commission européenne et les annonces concernant la préférence européenne, en réponse à l'appel de Mario Draghi à ‘mettre en place des critères explicites' Made in Europe". Dans la logique politique du gouvernement, le fait que la liste des véhicules éligibles soit relativement courte et bien difficile à établir n'est pas une surprise qu'expliquerait . C'est l'inverse qui est vrai : puisqu'il s'agit de "favoriser la relocalisation", la mesure fait apparaître aux yeux des consommateurs qu'il y a bien un problème de cette nature et qu'il exige pour être résolu que les constructeurs hâtent le pas dans cette direction. Lorsqu'on les laisse libres, ils se hâtent un peu lentement et/ou craignent de se mettre des boulets aux pieds face à ceux qui se hâteraient encore plus lentement. Ecouter enfin Mario Draghi s'impose pour qu'on n'ait pas à faire en 2027 ou 2030 le constat que l'on fait aujourd'hui. Bien évidemment, il faut être clair sur ce que cela signifie pour le consommateur, les constructeurs et les finances publiques : la préférence européenne vaut privation de la possibilité de recourir à la grande braderie chinoise. Suite aux deux enquêtes diligentées par l'UE au sujet de la fabrication des véhicules électriques et, plus généralement, des distorsions de concurrence pouvant justifier , il est apparu assez clairement que les entreprises chinoises que l'OMC nous demande de traiter avec bienveillance ne jouent pas avec les mêmes règles. C. Périllat avait pointé le fait que, ces dernières années, l'attitude de Pékin vis-à-vis de la Russie et de son attaque de l'Ukraine s'était traduite par un avantage compétitif sur le prix de l'énergie dont il n'était pas juste que les équipementiers pâtissent. Ceci s'ajoute à une longue liste et par-dessus tout au fait que – comme chacun le comprend de mieux en mieux – les autorités chinoises brillent par leurs capacités d'anticipation et de planification en bien des domaines : la frénésie d'investissement est si difficile à tempérer que, pour produire des véhicules, des composants et des batteries, l'économie chinoise se voit dotée de capacités qui permettraient de produire au moins 1,5 fois plus de véhicules que ce que la demande intérieure justifie. Pour trouver des débouchés aux productions en excès plutôt que de mettre à l'arrêt les installations et au chômage les employés, avec ou sans le soutien des pouvoirs publics, à chaque maillon de la chaîne de valeur automobile, on trouvera des acteurs pour casser les prix. Face à cette réalité, dans le domaine du véhicule électrique à batterie mais aussi pour la production de composants plus traditionnels, l'UE peut décider que l'on ne doit pas sacrifier en période de guerre commerciale les principes du libre échange à l'adhésion desquels nous devons une bonne part de notre prospérité. Alors, sur le marché de la batterie comme sur celui du pneumatique des roues ou des volants, on laisse les constructeurs et leurs acheteurs pleinement libres de leurs décisions. On se refuse à rentrer dans les logiques protectionnistes que beaucoup de nos partenaires épousent. Ce n'est pas alors seulement Northvolt qui périclite. Ce sont aussi des dizaines d'usines ou d'entreprises équipementières qui tombent au combat et/ou qui sont récupérées par des opérateurs chinois qui se muent en brancardiers. C'est ce que nous faisons depuis trois ans. La filière automobile dont est aujourd'hui d'abord affectée par les baisses de volumes produits liés aux conditions dans lesquelles la sortie de la crise Covid s'effectue : à cause de la dérive des prix principalement, il manque - comme Filosa et chacun peuvent le constater – 3 millions de véhicules et le problème vient d'abord de là. Pour limiter l'augmentation de leurs prix et/ou pour défendre leurs marges, les constructeurs sont très logiquement attentifs aux propositions des industriels chinois. En matière de batteries et de cellules, une part de l'attrait des chimies LFP est ainsi explicable par le fait que les constructeurs étaient tenus par leurs engagements contractuels avec leurs fabricants en Europe pour les NMC mais ne l'étaient pas pour les autres. En prétendant devoir d'urgence changer de technologie, ils s'ouvraient l'accès à la braderie … , on accepte alors une hécatombe industrielle qui s'explique par le fait que les baisses de volumes et les effets de l'électrification, se voient redoublées par les délocalisations et la montée en puissance des importations chinoises dans la valeur des véhicules assemblés en Europe. Aux pertes d'actifs et de compétences dans la conception et la production de composants traditionnels comme les roues ou les volants dont on continuera d'avoir besoin électrification ou non, s'ajoute alors la disparition (et/ou l'incapacité d'émerger) de notre filière européenne souveraine de la batterie et du VEB. L'histoire de l'industrie automobile depuis 130 ans l'a montré de manière récurrente : les industries automobiles nationales ne peuvent émerger après les autres que protégées. Notre industrie européenne après-guerre, l'industrie japonaise, les industries russes, brésiliennes ou indiennes : à chaque fois qu'on a souhaité faire en sorte qu'un marché local soit satisfait par une offre locale ou des constructeurs locaux, il a fallu abriter la production locale d'une concurrence internationale qui l'aurait empêché d'émerger et qui aurait rendu vaines les subventions et mesure de soutien à ladite production. Notre industrie du VEB européenne en est là et il faut la traiter comme telle en intégrant le fait que, à ce motif de protection, s'ajoute celui qui concerne les activités traditionnelles pour lesquelles les surcapacités chinoises géantes créent un déficit de compétitivité prix qui n'a pas grand-chose à voir avec celui que la comparaison des coûts impliquerait. Le fait d'avoir voulu avancer la négociation de la "clause de revoyure" à 2025 pourrait permettre que le "deal" dont le haut fonctionnaire européen parle soit acté à la fin de l'année. Pour l'heure, les équipementiers doivent se contenter de noter que, en France et à Bruxelles, en un an, les choses ont évolué dans le bon sens : la Ursula von der Leyen de l'automne 2025 semble effectivement un peu moins "naïve" que celle de l'automne précédent. Néanmoins, face à l'ampleur des dégâts et à la vitesse à laquelle les emplois disparaissent et le gap avec la Chine se creuse, on serait en droit d'attendre une réactivité plus grande : en matière de politique commerciale, il semble clair que nul n'est besoin de se lancer dans des enquêtes supplémentaires pour que les protections des marchés européens des VEB décidés l'an passé soient renforcées et complétées par l'équivalent sur les VH et VHR et, surtout, par la fixation rapide de règles de contenus locaux contraignantes pour la construction