Batteries : nouvelle génération en vue
Plus économiques, plus résistants, plus stables, les nouveaux modèles redessinent le paysage de la mobilité électrique.
Entre le triomphe de la technologie lithium-fer-phosphate (LFP), les performances du NMC (nickel, manganèse, cobalt) et du NCA (oxyde de lithium, nickel, cobalt et aluminium) et les promesses des batteries solides, les constructeurs rivalisent d'innovations. Tour d'horizon, technologie par technologie.
LA CONSÉCRATION DULFP
Sûre et durable, la technologie lithium-fer-phosphate (LFP) triomphe. Notamment en Chine, où siège 90 % de la production mondiale. Parmi les leaders, citons le constructeur automobile BYD et le fabricant de batteries CATL. En Espagne, ce demier mène, avec le construc teur Stellantis, un projet de produc tion de batteries LFP.
Plutôt destinée aux véhicules compacts et aux bus, cette techno logie est économique du fait de l'abondance du fer et du phosphate. En outre, les batteries supportent plus de 3.000cycles et sont résistan tes à la chaleur, ce qui leur confère une grande stabilité. En dépit d'une densité énergétique modeste (160 à 190 Wh/kg en moyenne), l'autono mie des véhicules LFP atteint, voire dépasse 400 km. En 2024, CATL a établi le record de 1.000 km.
LE NMC VISE LES VÉHICULES PREMIUM
Grâce à sa densité énergétique éle vée (de 180 à 260 Wh/kg), la techno logie NMC (nickel, manganèse, cobalt) offre en moyenne une auto nomie de 450 à 600 km ainsi qu'une recharge rapide (jusqua 80 % en quinze à trente minutes). Ce qui convient aux véhicules premium et aux voitures de sport des construc teurs Renault, Alpine, BMW, Mer cedes, Porsche, etc.
Produite notamment en Asie par le sino-japonais AESC et en France par ACC et bientôt Verkor, cette batterie présente aussi des limites. Entre autres, un nombre de cycles peu élevé (1.000 à 2.000 cycles, voire 2.500), un risque d'emballement thermique, sans compter le coût élevé du manga nèse et du cobalt.
LE NCA PROPICE AUX FORTES PUISSANCES
Produite, entre autres, par Panaso nic, la batterie NCA est pourvue d'une cathode riche en nickel (80 % à 90 %), auquel s'ajoute de faibles quantités de cobalt (5 % à 10 %) et d'aluminium (5 %) - ce demier ren force la stabilité chimique et méca nique du matériau. Sa haute densité (de 270 à 300 Wh/kg) autorise une autonomie de plus de 600 km. Pro pice aux fortes puissances et accélé rations, cette technologie intéresse les véhicules sportifs, notamment les Tesla Model S et X. Bien sûr, elle souffre de limites : une durée de vie de 1.000 à 1.500 cycles, une stabilité thermique plus faible que les batte ries LFP et NMC, ainsi qu'une sensi bilité aux températures élevées. Ce qui nécessite un système de gestion thermique performant.
LE SODIUM-ION, SÛR ET DURARLE
L'absence de lithium rend la batterie au sodium moins coûteuse à pro duire et à recycler car elle utilise des matériaux abondants - tels que le sodium, le fer et le carbone dur. Autres avantages, sadurée de vie élevée (2.000 cycles) et sa stabilité ther mique qui réduit les risques d'em ballement. En outre, elle conserve ses capacités de fonctionnement à des températures de - 20 °C.
Mais sa faible densité énergéti que (de 140 à 175 Wh/kg) limite l'autonomie à 250 km en moyenne, voire 400 km. Le chinois CATL oriente cette batterie vers les véhi cules d'entrée de gamme. Idem pour le français Tiamat qui, avec son projet de gigafactory, vise d'abord le stockage stationnaire, l'outillage portatif et l'automobile.
LA TECHNOLOGIE SOLIDE PROMET DE PULVÉRISER LES RECORDS
D'ici à quatre ans, les véhicules haut degammevontfortementgagneren autonomie grâce aux batteries soli des. Le constructeur BYD annonce une autonomie de 1.500 km rechar geable en douze minutes. Sa batterie intègre un électrolyte à base de sul fures, connus pour offrir une bonne conductivité ionique et une stabilité thermique renforcée. Même appro che pour Toyota. Tous deux visent des densités énergétiques de plus de 400 Wh/kg. ■
La France accélère sur les installations de recharge
L'Hexagone enregistre une hausse de 30 % des points de recharge en un an, ce qui la place au 4e rang des pays européens les mieux équipés. Portée par la loi d'orientation des mobilités et les investissements privés, ce développement s'accélère grâce à des écosystèmes d'acteurs complémentaires.
Près de 30 %. C'est la progression, au 30 avril 2025, du nombre de points de re charge par rapport à l'année précédente en France. Soit 168.055 prises ouvertes au public pour 2,2 millions de véhicules électriques (VE) et hybrides rechargeables (PHEV), selon le baromètre des infrastructures de recharge des véhicules électriques (IRVE), publié par Avere France. D'après l'Association des constructeurs européens d'automobiles (ACEA), la France figure parmi les quatre pays euro péens les mieux équipés avec 249 points pour 100.000 habitants, derrière les Pays-Bas (820), le Dane mark (400) et la Belgique (390), mais devantlAllemagne (220).
Du côté des utilisateurs, l'enquête d'opinion dAvere France-Mobileo (juin 2025) révèle que 90 % des entreprises envisagent d'acheter des véhicules 100 % électriques. A cet égard, « les VE représententl4 % du marché des voitures particidières neuves (VPN) d'entreprises, précise Marie-Laure Nivot, responsable Intelligence marchés chez AAA Data. Etant donné que les VE sont acquis à80% en leasing, le marché du VE d'occasion pour lesparticuliers est en train de se constituer ».
D'autant plus qu'avec la loi d'orientation des mobilités (LOM), 3.546 entreprises, dont le parc excède 100 unités, devaient faire passer la part de leurs véhicules verts à 20 % en 2024,40 % en 2026 et 70 % en 2030, sous peine de malus flscal. Par ailleurs, « la LOM oblige les entreprises à équiper leurs parkings d'installations de re charge », rappelle Qément Molizon, directeur général dAvere France. En outre, 94 % des entreprises pro curent à leurs collaborateurs une carte pour la recharge électrique en itinérance même si, à 79 %, elles considèrent que celle-ci doit rester exceptionnelle.
Parkings, hôtels, gares
Signe de l'accélération des IRVE, la création, en février dernier, de l'association Charge France qui, avec sa vingtaine de membres, compte investir pas moins de 3 mil liards d'euros d'ici à 2028 dans la recharge rapide (de douze à vingt minutes). En particulier, en créant des écosystèmes d entrepri ses complémentaires. En témoi gne, le 30 juin dernier, l'inaugura tion par l'opérateur d'IRVE Electra d'une nouvelle station publique de recharge sur un terrain de la gare de Paris-Montparnasse, géré par SNCF Gares et Connexions.
« Parkings, hôtels, lieux de proxi mité, gares... nous travaillons habi tuellement avec des acteurs qui dis posent d'espaces pour installer nos stations de recharge », explique Aurélien de Meaux, président d'Electra qui, depuis 2021, a levé 700 millions d'euros auprès d'une dizaine de fonds, dont PGGM et Eurazeo, etréalise un chiffre d'affai res de 70 millions d'euros avec 260 collaborateurs.
« II aurafallu deux anspour régler les problèmes juridiques et techniques. C'est beaucoup trop long », souligne Fabrice Lepoutre, directeur général d'Effia, qui a réa lisé pour Electra l'installation des quatre bomes Alpitronic, soit huit points de recharge de 400 kW. De quoi entrevoir « les 100 charges par jour au bout de trois mois d'acti vité », précise Aurélien de Meaux, qui ouvre de cinq à sept stations publiques par semaine réclamant des investissements compris entre 500.000 et 1 million d'euros. Grâce à un tarif avantageux de 0,15 euro par kWh, Electra développe un partenariat avec Bolt, qui apporte également un abondement à ses VTCistes.
« Environ 75 % de nos courses sont déjà effectuées en véhicules hybrides ou électriques, et 30 % des véhicules ajoutés chaque semaine sont électriques. En 2030, 50 % des véhicules seront électriques », dé taille Julien Mouyeket, directeur général de Bolt France. Autre par tenariat avec Electra, celui de Sixt, qui compte 10 % de VE dans sa flotte et propose à ses clients une option de recharge illimitée pour huit euros par jour.
Les entreprises soutiennent le marché des véhicules électriques
Dans les parcs des sociétés, en juin, les immatriculations de véhicules électriques ont bondi de 49,1 %, atteignant 21,3 % de part de marché, tandis que les autres motorisations reculent.
« Depuis le début de l'année, la voiture électrique s'installe dans le mix-motorisation de manière plus significative. La part de la motorisation 100% élec trique dans les flottes surpasse même celle des hybrides rechargeables, pénalisées par le malus C02 et le malus au poids. Les objectifs plus contraignants dequotas de véhicules à faibles émissions dans lesflottes deplus de 100 véhicules peuvent expliquer cette envolée de l'électrique », résume Marie-Laure Nivot, responsable in telligence marchés chez AAA-Data, l'expert de la donnée augmentée.
L'embellie de l'électrique est d'ail leurs la seule raison de se réjouir dans un marché entreprise où les immatriculations de voitures parti culières et d'utilitaires légers sont dans le rouge depuis un an, selon AAA-Data. En juin, toutes les éner gies ont plongé, à l'exception de l'électrique qui progresse de 49,1 % : 8.862 véhicules à batterie ont été immatriculés, soit une part de mar ché sur le mois de 21,3 %. Même les hybrides autorechargeables, la loco motive du marché des flottes, per dent 8,8 %. Les hybrides rechargea bles, elles, reculent de 34,5 %.
Le tour de vis imposé par la loi d'orientation des mobilités (LOM) va continuer à doper fortement les dynamiques d'achat de véhicules électriques. Plus de 3.500 entrepri ses sont concernées, alors qu'une société sur trois est déjà en règle avec l'objectif de la LOM en 2025. La dernière enquête d'Avere Lrance et de Mobileo Consulting sur l'électrification des flottes confirme la tendance pour les années à venir. Ainsi, 90 % des entreprises interrogées envisagent d'acheter des véhicules 100 % élec triques d'ici à trois ans.
Grands groupe en tête
Environ 94 % des répondants affl chent même des objectifs supé rieurs aux seuils de la LOM, avec 90 %d'entreeuxquiintégrerontdes véhicules électriques dans leurs renouvellements de modèles lors des trois prochaines années. Et si 75 % des entreprises jugent impor tant le verdissement de leur flotte dans leur stratégie RSE, elles sont 20 % à n'avoir encore aucun véhi cule électrique.
Enfrn, ce sont les grands groupes qui donnent l'exemple « Bien aidé par la réglementation, lepassage à l'électrique des flottes s'effectue à un rythme soutenu, mais Vinstabilité flscale le ralentit, plaçant lesgestion naires de parc dans l'attentisme, enclinsàprolonger leurs contrats de location longue durée de véhicules thermiques », analyse Guillaume Maureau, directeur général adjoint dAyvens Lrance, loueur longue durée multimarques. — B.M. Le tour de vis imposé par la loi d'orientation mobilités contribue aux dynamiques d'achat de véhicules électriques.
En Allemagne, les équipementiers automobiles s'embourbent dans la crise
Quelques jours après le Salon de Munich (IAA Mobility), durant lequel l’automobile allemande a paru flotter sur un nuage avec une série de nouveaux modèles, le réveil est brutal. Porsche a tiré un trait sur son calendrier de lancements de voitures électriques et passé une charge exceptionnelle de plus de 3 milliards d’euros, qui va également peser sur sa maison mère, Volkswagen.
Mais c’est chez les équipementiers que la situation menace de tourner au drame. En plein Salon, le patron de ZF Friedrichshafen, Holger Klein, a annoncé sa démission surprise alors que le numéro deux mondial prépare une série de mesures qui pourraient aller audelà des 14.000 suppressions de postes de l’an dernier. Décision d’ici au 30 septembre…
Deux jours plus tard, le leader mondial Bosch annonçait un nouveau plan d’économies de 2,5 milliards d’euros, qui passerait à nouveau par des réductions d’effectifs. Or le groupe de Stuttgart a déjà perdu 11.600 emplois l’année dernière, dont 4.500 en Allemagne. Près de 13.000 postes supplémentaires seront supprimés d’ici à 2030 en Allemagne, soit 10 % de l’effectif dans le pays.
De son côté, le champion du pneu Continental a mis un point final à ses ambitions d’équipementier intégré en introduisant en Bourse sa division automobile, Aumovio, qui pèse 20 milliards d’euros de chiffre d’affaires et 100.000 employés. Après la vente de son autre filiale ContiTech, le groupe de Hanovre, qui a supprimé 12.000 postes en cinq ans, ne pèsera plus que 14 milliards d’euros de chiffre d’affaires – moins du tiers de son poids pré-Covid. Ce n’est que la partie émergée de l’iceberg. Chez les petits, les faillites se multiplient, comme celle récente de Kiekert, qui compte 700 employés outre-Rhin. « Nous assistons à l’effondrement de structures entières, s’inquiète Christiane Benner, présidente du syndicat IG Metall. Les constructeurs aident encore certains, pour éviter les faillites, mais on pourrait assister à un vrai coup de massue. » Le chancelier, Friedrich Merz, semble avoir pris la mesure du problème et a annoncé la tenue prochaine d’un « Autogipfel », un sommet sur l’automobile. « Notre objectif est que l’Allemagne reste à l’avenir l’un des principaux sites de production et d’industrie automobile au monde », a déclaré le chancelier lors de la cérémonie d’ouverture de l’IAA.
Trois raisons principales expliquent les difficultés des équipementiers. Premièrement : le marché. Selon une étude du cabinet de conseil PWC, les deux plus grands constructeurs automobiles européens ont perdu jusqu’à 30 % de leur volume de production depuis 2019. Cela correspond à 4,3 millions de véhicules au total, et donc à une perte significative de revenus potentiels pour leurs fournisseurs.
Rien qu’en Allemagne, la production est passée de 5,9 millions de véhicules en 2011 à 4,1 millions en 2024. « Or, dans le même temps, les effectifs sont restés quasiment constants dans le secteur », à quelque 770.000 employés, observe Dietmar Gerke, responsable des dossiers spéciaux au sein de l’assureur crédit Atradius. Les usines tournent au ralenti, chez les constructeurs et leurs fournisseurs…
Deuxièmement : la transformation électrique, qui bouleverse la création de valeur. Les fabricants de moteurs thermiques sont remplacés par des fabricants de batteries, les spécialistes des logiciels prennent le pas sur ceux de la mécanique. Bosch estime avoir besoin de seulement un dixième de la maind’œuvre par rapport à la production de moteurs diesel… Et le passage à l’électrique, aussi poussif soit-il en Europe, induit un autre effet : un basculement géographique. Les constructeurs chinois étant leaders sur ce marché, ce sont leurs équipementiers qui en profitent le plus. Globalement, les analystes d’UBS estiment que les équipementiers historiques seront en décroissance de 0,5 % par an jusqu’en 2030.
Endettement vertigineux
Le phénomène a déjà commencé. Selon PWC, la part de marché mondiale des équipementiers allemands est tombée à 23 % en 2024, son plus bas niveau depuis 2005. Dans le même temps, les équipementiers chinois, inexistants en 2005, arrivent à 12 %. « Le marché ne croît pas beaucoup,maisdeplusenplusd’équipementiers veulent leur part, surtout les chinois », selon PWC.
Troisième difficulté pour le secteur : le financement. Portés par l’expansion internationale de leurs clients allemands et voulant se préparer à l’électrique, les équipementiers ont investi massivement. Pour cela, ils ont dû s’endetter. « Mais il y a cinq ou dix ans, les taux d’intérêt étaient à zéro, rappelle Dietmar Gerke. Aujourd’hui, les conditions n’ont rien à voir et les banques sont plus regardantes. » ZF en sait quelque chose. Le groupe, détenu par une fondation, a acheté coup sur coup TRW et Wabco pour plus de 20 milliards de dollars. Aujourd’hui, il s’en mord les doigts. Sous la pression des banques, il cherche un partenaire pour sa division de mobilité électrique et de systèmes d’aide à la conduite, qui compte 30.000 employés, et vient de refinancer une partie de sa dette à prix fort (7,5 %).
Face à ces défis, les équipementiers allemands devront continuer à innover, gagner des périmètres de valeur ajoutée, essayer de profiter de la croissance chinoise, s’adapter aux droits de douane américains et ajuster leurs structures de coûts. Cela risque toutefois de ne pas suffire. C’est pourquoi Bosch se diversifie dans le chauffage et la climatisation, ou Schaeffler dans la défense. Quelques semaines avant le sommet automobile du chancelier, IG Metall prend les devants. « Nous avons absolument besoin d’une aide financière », martèle Christiane Benner, qui propose d’allouer des moyens du futur fonds souverain allemand (« Deutschlandfonds ») à la filière et d’imposer des règles plus strictes de contenu local pour les ventes de voitures étrangères en Europe.
La part de marché mondiale des équipementiers allemands est tombée à 23 % en 2024, son plus bas niveau depuis 2005.