La filière automobile redoute un nouveau coup de massue fiscal
Dans deux lettres distinctes adressées au ministre des Transports Philippe Tabarot, Luc Chatel, président de la PFA, et Xavier Horent, délégué général de Mobilians, ont fait part de leurs craintes concernant de nouvelles mesures susceptibles d’impacter davantage le secteur automobile. Tous deux appellent à une meilleure prise en compte de la voix de la filière dans les décisions à venir.
Parmi les mesures suggérées par le rapport "Ambition France Transports", on retrouve par exemple un abaissement du malus au poids à 1 400 kg dès 2026. ©Renault/Martin-Gambier Olivier
Lancée par le Premier ministre et sous la supervision du ministre des Transports, la conférence Ambition France Transports a réuni du 5 mai au 9 juillet 2025 près d’une soixantaine de personnalités représentatives du secteur des mobilités. Seule exception et pas des moindres, la filière de l’automobile semble avoir été oubliée.
"Nous regrettons cependant de ne pas avoir été associés aux ateliers ressemblant certaines parties prenantes, en tant qu’organisation professionnelle représentative du secteur de l’automobile et des mobilités, alors que nous avions sollicité notre participation auprès de votre cabinet et de vos services", écrit Xavier Horent, délégué général de Mobilians, dans une lettre adressée au ministre des Transports Philippe Tabarot.
Remis le 9 juillet 2025 au ministre, le rapport de synthèse de la conférence semble en plus ne pas avoir ciblé l’industrie automobile comme l’une de ses priorités d’investissements. Bien au contraire, certains sujets évoqués pourraient avoir des impacts conséquents pour le secteur…
40 % de part de marché impactés par les mesures du rapport
Le rapport Ambition France Transports suggère, parmi d’autres mesures, d’abaisser de 1 600 à 1 400 kg dès 2026, le seuil du malus au poids sur les véhicules vendus en France, mais aussi de supprimer les abattements dont bénéficient aujourd’hui les véhicules hybrides. La loi de finances pour 2025 prévoit déjà d’abaisser le malus au poids à 1 500 kg à compter du 1er juillet 2026, impactant 20 % des véhicules, contre 8 % actuellement.
Dans un courrier, Luc Chatel, président de la PFA, interpelle le ministre des Transports sur les impacts que pourrait avoir un tel durcissement de cette taxe. D’autant que la loi de finances 2025 a déjà provoqué un dédoublement des recettes liées aux malus mais aussi divisé par trois l’enveloppe consacrée au bonus, jouant le rôle d’accélérateur de la chute du marché automobile français.
Selon le président de la PFA, sous l’effet cumulé des mesures proposées dans le rapport, la part de marché impactée pourrait être multiplier par cinq dès 2026 et s’élever à 40 %. À titre d’exemple, la taxe pourrait être multipliée par trois sur un Renault Kangoo, par cinq sur le Citroën C5 Aircross et même jusqu’à 50 sur la Peugeot 308.
Enfin, Mobilians, représenté par Xavier Horent, s’inquiète également fortement de la bascule opérée pour le bonus écologique, avec la mise en place du dispositif des certificats d’économies d’énergie. "Le nouveau dispositif a d’ores et déjà des répercussions majeures, tant sur le plan financier qu’administratif, pour les distributeurs.
"Des règles étouffant la croissance" : l'industrie automobile réclame un assouplissement urgent des normes.
Face à des ventes de voitures électriques en deçà des attentes, l'industrie automobile européenne réclame un ajustement rapide des normes environnementales. L'industrie automobile européenne tire (à nouveau) la sonnette d'alarme. Dans un contexte économique difficile, Ola Källenius, président de l'ACEA (Association des constructeurs européens d'automobiles) et PDG de Mercedes, exhorte l'Union européenne à revoir dès cette année les pénalités liées aux émissions de CO Dans une tribune publiée mardi dans The Economist , il critique des règles "étouffant la croissance" et appelle à une approche plus souple et adaptée à la réalité du marché. Des normes jugées trop rigides Actuellement, les constructeurs sont soumis à des amendes s'ils dépassent les seuils d'émissions autorisés pour leurs véhicules . Ola Källenius plaide pour une révision de ce système, qu'il estime trop punitif. Il demande que soient mieux intégrés les véhicules hybrides, les modèles à prolongateur d'autonomie (fonctionnant avec un moteur thermique pour recharger la batterie), les moteurs thermiques plus efficaces, ainsi que les carburants synthétiques , encore en phase de développement. Si cette prise de position n'appelle pas directement au report de la fin des ventes de voitures thermiques prévue pour 2035, elle cherche à élargir les solutions possibles dans la transition énergétique. Le spectre d'un marché à l'arrêt Malgré une hausse de 26 % des ventes de véhicules 100 % électriques sur les cinq premiers mois de 2025, leur part de marché ne dépasse toujours pas 15,4 % au sein de l'Union européenne . Une dynamique jugée trop lente par les industriels. Ola Källenius met en garde contre un "effet La Havane" , en référence à la capitale cubaine, où les habitants conservent leurs vieux véhicules faute de moyens pour en acheter des neufs. Un scénario que l'Europe pourrait connaître si l'offre reste hors de portée pour de nombreux ménages. Il note également que l'assouplissement temporaire accordé par l'UE pour les objectifs 2025 ne suffira pas à compenser la dégradation de la conjoncture économique. Selon lui, plus de 40 % des fournisseurs automobiles européens risquent de ne pas être rentables en 2025. Une conjoncture politique favorable aux revendications ? La prise de position de l'ACEA intervient dans un contexte politique européen en mutation. Les dernières élections européennes ont vu un recul des partis écologistes et une poussée des forces conservatrices , ce qui remet en question certaines mesures climatiques adoptées ces dernières années. Le lobby automobile espère ainsi que cette nouvelle donne pourra ouvrir la voie à un cadre réglementaire plus souple. Parmi les autres demandes formulées : des incitations renforcées pour accélérer le renouvellement du parc automobile, et une simplification des normes à l'échelle européenne . Objectif : redonner de l'oxygène à une industrie clé de l'économie européenne, tout en poursuivant la transition énergétique de manière plus progressive. À propos de l'auteur Yann Lethuillier Journaliste automobile et amateur de tout ce qui roule ou glisse, parfois les deux en même temps. Du ski et des randonnées le week-end, de l'automobile en semaine. Je trouve mon bonheur aussi bien au guidon de motos beaucoup trop lourdes, qu'à bord de belles autos, en particulier les berlinettes normandes et celles de l'Éternel de la jument de Stuttgart. Ses derniers articles